Le concubinage est une union différente de celle du mariage. En cas de rupture, ce statut n'entraîne pas de procédure de divorce.
L'absence de régime légal, à la différence du mariage et même du PACS, a pour conséquence l'absence d'obligation de contribution aux charges communes et de solidarité ménagère. C'est essentiellement à l'occasion de la rupture que se posent les problèmes les plus délicats, qu'il s'agisse de la liquidation des droits sur un immeuble acquis en commun, le sort des meubles acquis pendant la vie commune, ou la question du logement.
Enfin, bien que la rupture soit libre, un droit à indemnisation peut être accordé au concubin abandonné.
Séparation concubinage : une liberté de rupture encadrée
Union libre implique rupture libre : la loi ne prévoit aucune modalité particulière pour rompre un concubinage : les concubins sont libres de se séparer à tout moment.
En pratique, en cas de désaccords entre les concubins, ce sont les règles de droit commun qui s'appliquent lors de la rupture. En cas de conflit sur les conséquences de la rupture, les concubins doivent saisir le juge aux affaires familiales.
La rupture du concubinage ne doit pas constituer par elle-même une faute susceptible d'ouvrir le droit à des dommages-intérêts dans les conditions de droit commun (articles 1382 et 1383 du Code civil). Le concubinage ne permet pas de demander la réparation d'un éventuel préjudice qui résulterait de la seule rupture, mais la Jurisprudence reconnaît toutefois un droit à réparation « lorsqu'il existe des circonstances de nature à établir une faute de son auteur ».
Pour être mis en jeu, le mécanisme de la responsabilité civile exige la preuve :
- d'une faute ;
- d'un préjudice, économique ou moral ;
- d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La preuve de la faute ne pouvant pas résulter uniquement de la décision de rompre, le concubin abandonné doit démontrer l'existence d'une faute, ainsi que du préjudice économique qui en résulte.
La faute doit être recherchée dans les circonstances de la rupture. Il en va ainsi, par exemple, en cas d'abandon brutal de la concubine et des enfants, ou d'actes de violence accompagnant la rupture.
La faute et la responsabilité peuvent également être partagés entre les concubins. En pratique, la liberté de rompre le concubinage doit être protégée, et les juges se montrent très stricts dans l'appréciation de la faute.
C'est plus couramment sur le terrain du préjudice réparable que sur celui de la faute que la jurisprudence a montré une grande évolution. Le préjudice moral est ainsi plus facilement retenu, et le préjudice économique calculé plus largement.
De la même façon, de nombreuses décisions de jurisprudence admettent qu'il existe à la charge du concubin qui rompt une obligation naturelle de ne pas laisser dans le besoin celui qui est abandonné. Le concubin créancier de cette indemnité a le droit d'agir en justice pour en obtenir le paiement. Par ailleurs, en cas de décès du débiteur, il pourrait même en demander le paiement à ses héritiers qui seraient alors tenus de l'indemniser. Dans ce dernier cas, il faut savoir que cette obligation naturelle n'est pas considérée comme une libéralité par le fisc, et donc pas taxée comme telle.
Séparation concubinage : le partage des biens immobiliers et mobiliers
Le sort du logement des concubins
Lors de leur séparation, les concubins éprouvent des difficultés qui relèvent du sort du logement que l'on peut qualifier de « logement familial ». Comme entre personnes mariées, la question se pose en effet de savoir s'il faut vendre le logement, ou encore qui peut le conserver... Les solutions au sort du logement après la rupture du concubinage varient selon que les concubins sont locataires à titre individuel, ou en colocation, ou bien qu'ils en sont propriétaires à titre exclusif ou en indivision.Le logement est la propriété exclusive de l'un des concubins
Dans cette hypothèse où l'un des concubins est propriétaire de l'immeuble et que l'autre est hébergé par lui, il n'existe pas de bail entre eux. Ce qui signifie que le concubin hébergé se trouve dans une situation précaire : il peut être obligé de quitter le logement à tout moment sans pouvoir invoquer un quelconque droit au maintien dans les lieux.
Si le concubin propriétaire du logement décide de vendre le logement, il peut le faire librement sans avoir à demander le consentement de son compagnon. Cependant, la loi a reconnu, avec l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, l'existence du concubin et de sa famille. Ainsi, la reprise du logement par le bailleur ne peut l'être qu'au profit de lui-même, de son conjoint, de son concubin notoire à la date du congé, et même de ses descendants ou ceux de son conjoint ou concubin notoire.
Le logement est la propriété commune des concubins
En cours de vie commune, les concubins peuvent décider d'acquérir ensemble un logement : ils sont ainsi réputés co-indivisaires du bien immobilier par moitié.
Au moment de la rupture du concubinage, des difficultés peuvent surgir, notamment si le financement réel de l'acquisition ne correspond pas aux déclarations faites dans l'acte notarié.
Un des concubins peut avoir acquis en titre le bien immobilier (la preuve est l'acte d'acquisition), alors que les deux concubins ont contribué au financement de ce bien. La vie commune ne créant aucune présomption d'indivision, et sauf convention contraire, le bien immobilier acquis reste la propriété exclusive du propriétaire titré. En aucun cas, le concubin ayant participé financièrement à l'acquisition ne dispose d'une quote-part du bien immobilier.
Dans d'autres cas, le bien immobilier a été acquis en commun, mais les concubins déclarent dans l'acte notarié financer le bien à égalité, alors que l'un a financé l'acquisition pour une part plus importante que l'autre. Pour autant, le titre de propriété ne peut pas être remis en cause par la preuve du financement. Lors de la séparation, l'autre concubin peut apporter la preuve écrite du financement réel de l'opération et de sa contribution : il pourra obtenir le remboursement de l'intégralité des mensualités d'emprunt qui ont été réglées à l'aide de ses deniers personnels.
Enfin, chacun des co-indivisaires peut obtenir le remboursement de ses impenses, consistant le plus souvent dans des améliorations ou des équipements apportés au bien immobilier acquis (cuisine intégrée, toiture, etc.).
Logement en location
Le sort du logement des concubins est aussi source de conflit dans la mesure où le logement des concubins ne bénéficie pas de la même protection que le logement des époux. La situation des concubins dépend du contrat de location : ou bien ils sont co-titulaires du bail, ou bien l'un d'eux seulement est titulaire du droit au bail.
Si le logement a été loué par un des concubins, l'autre n'est pas co-titulaire car l'article 1751 du Code civil n'est pas applicable entre concubins. La co-titularité ne peut qu'avoir une origine conventionnelle, et elle présente alors un avantage pour le bailleur qui assujettit ainsi chacun des concubins au paiement des loyers. Si les concubins se sont présentés comme des époux, l'engagement de l'un des concubins lie l'autre solidairement au paiement du loyer.
Bon à savoir : la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi Élan, met fin à la solidarité envers le locataire restant lorsque l'un des conjoints quitte le logement en raison de violences exercées sur lui ou sur l'un de ses enfants. Celui-ci doit informer le bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception, accompagnée de la copie de l'ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ou de la copie d'une condamnation pénale (article 8-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989).
Enfin, en cas d'abandon du logement par le titulaire du bail, le concubin notoire a la possibilité de faire continuer le bail à son profit, si toutefois il apporte la preuve qu'il vivait effectivement avec le preneur depuis au moins un an.
Le sort des autres biens acquis pendant la vie commune
En l'absence de régime matrimonial, il convient d'utiliser les règles de droit commun pour liquider les biens issus de la vie commune. En règle générale, les concubins envisagent rarement un quelconque partage du patrimoine qu'ils constituent pendant leur vie commune, pas plus qu'ils ne se constituent des preuves de ces acquisitions.
Quand il est impossible de déterminer l'origine des biens mobiliers, il est tentant pour les concubins qui se séparent de recourir à l'indivision. Faute de pouvoir établir la preuve de la propriété exclusive en raison de la mise en commun des ressources du couple, la propriété des biens mobiliers acquis pendant la vie commune est présumée partagée pour moitié entre les ex-concubins. Cependant, il n'existe pas de présomption d'indivision entre concubins. La preuve devra être rapportée que les biens mobiliers acquis pendant la vie commune l'ont été avec des deniers communs.
Dans le cas contraire, en cas de revendication des biens mobiliers par un concubin, c'est sur le terrain de la possession et de l'article 2276 du Code civil que la question devra être tranchée. En effet, dans ce cas, les juges appliquent le principe que « en fait de meubles, possession vaut titre ».
Rupture concubinage : l'établissement des règles de la vie commune
Vu la complexité des conflits générés par la rupture du concubinage, il est recommandé aux concubins d'établir clairement les règles de leur vie commune.
Les concubins ont financé les charges de la vie commune ou ont mis en commun leurs avoirs par exemple pour effectuer des travaux dans le logement.
En cas de rupture et afin de rétablir l'égalité entre eux, il convient d'établir les comptes, les liquider après avoir apuré les dettes. La liquidation de l'indivision est soumise aux règles de droit commun en matière d'indivision et de partage : chacun des concubins reçoit un lot correspondant à sa quote-part dans les biens indivis et le prix, hors convention contraire, est réparti par moitié. Tous ces calculs peuvent toutefois se révéler complexes dans la mesure où, bien souvent, aucun cadre n'a été défini au départ.
Si la société de fait est le moyen généralement le plus utilisé, les concubins peuvent également établir, pour clarifier les règles de leur vie commune, une convention d'indivision, ou une société civile immobilière. Il faut également rappeler que la loi ne leur accorde pas la possibilité de demander une attribution préférentielle du bien indivis.
La société de fait
Le moyen le plus généralement utilisé consiste à justifier l'existence d'une société de fait créée entre eux. Cependant pour y parvenir, les critères retenus par les tribunaux sont particulièrement exigeants : le concubin demandeur doit établir l'existence d'une volonté commune de participer aux bénéfices et aux pertes de la société de fait, d'une participation financière commune et de s'associer.
Or, la seule vie commune, un concubinage notoire, ou la seule participation aux dépenses ne sont pas des circonstances suffisantes pour établir l'existence d'une société créée de fait.
Même si les concubins l'ont considérée gratuite pendant leur vie commune, la participation qui a pu correspondre par exemple à une activité bénévole de l'un au sein de l'entreprise de l'autre, à des travaux dans le logement, n'est plus toujours jugée comme telle lors de la rupture par l'un des concubins.
Dans cette hypothèse, la réclamation d'une indemnité peut être fondée sur le principe de l'enrichissement sans cause : le concubin demandeur à l'indemnité doit établir que sa participation gratuite a constitué pour lui un appauvrissement et pour l'autre un enrichissement que rien ne justifie.
La convention d'indivision
Il se peut que les concubins aient conclu une convention d'indivision, à laquelle leur séparation ne met en principe pas fin. Ils peuvent décider d'un commun accord de partager les biens objet de l'indivision, ou d'en partager le prix. Une clause prévoyant un partage en fonction des apports respectifs de chacun des concubins est valable.
En pratique, il est souvent précisé dans la convention d'indivision que les concubins ont le statut de cogérants, chacun détenant individuellement les pouvoirs d'un gérant unique. Ainsi, il en résulte que pendant la vie commune des concubins, la cogérance permet de faciliter la gestion du bien indivis.
La convention d'indivision est très utile à l'organisation de la gestion du bien, et spécialement du logement commun après le décès de l'un des concubins.
La société civile immobilière
Les concubins peuvent également acquérir leur logement par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, dont ils sont les associés à proportion de leur apport.
En cas de séparation, la SCI offre plus de souplesse que l'indivision, car si l'un des concubins souhaite conserver le logement, il a la possibilité de racheter les parts sociales de son ex-compagnon.
En cas de litige, le concubin possédant le plus grand nombre de parts sociales peut décider de dissoudre la SCI. S'il n'est pas vendu, le bien est alors attribué à l'un des concubins, et l'autre doit lui verser une indemnité.
Il est possible d'insérer dans les clauses des statuts de la SCI des règles de répartition des pouvoirs moins contraignants que celles de l'indivision. On peut ainsi prévoir qu'un concubin pourra décider seul de l'exécution de certains travaux ordinaires ou urgents.
L'attribution préférentielle
Contrairement aux époux séparés de biens, les concubins ne peuvent pas demander l'attribution préférentielle du bien indivis. La Cour de cassation rappelle régulièrement que l'attribution préférentielle prévue par l'article 832 du Code civil ne peut être demandée que par un conjoint ou par des héritiers. Il n'est pas possible d'admettre une attribution préférentielle du vivant des concubins, à moins qu'une convention d'indivision l'ait prévu.
Rupture du concubinage : le devenir des enfants
Le père et la mère exercent en commun l'autorité parentale conjointe sur les enfants reconnus par leurs deux parents dans l'année de leur naissance.
Cependant, si la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance de l'enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. Les conflits relatifs aux enfants sont réglés par le juge aux affaires familiales.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de réforme pour la justice a créé dans le Code civil un nouvel article 373-2-9-1 selon lequel le juge aux affaires familiales peut attribuer pour 6 mois maximum (sauf prorogation) à l’un des parents la jouissance du logement de la famille lorsqu’il est saisi d’une requête relative aux modalités d’exercice de l’autorité parentale. Cette attribution, qui n’était possible auparavant que dans le cadre d’un divorce, est aujourd’hui ouverte en cas de séparation d’un couple non-marié.
Cette même loi a donné de nouveaux outils à destination du juge afin d’assurer l’exécution des décisions prises en matière d’autorité parentale:
- À la demande du juge aux affaires familiales ou du parent intéressé, le procureur de la République peut requérir à titre exceptionnel le concours de la force publique afin d’assurer l’exécution de la décision du JAF fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale (article 373-2 du Code civil).
- De plus, l’article 373-2-6 du Code civil autorise le juge aux affaires familiales à ordonner une astreinte pour s’assurer de l’exécution de sa décision quand les circonstances le justifient.
- Enfin, le JAF peut condamner le parent qui fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution d’une décision ou d’une convention relative à l’exercice de l’autorité parentale à une amende civile d’un montant maximum de 10 000 €.
Bon à savoir : concernant le cas où la filiation n'est établie qu'à l'égard de l'un des concubins et dans le cadre en l'espèce d'une union libre entre personnes de même sexe, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé le 13 juillet 2017 (pourvoi n° 16-24.084) qu'après une séparation, l'ex-concubine de la mère de l'enfant pouvait se voir accorder un droit de visite et d'hébergement en application de l'article 371-4 du Code civil qui dispose que « si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ».